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lundi 20 décembre 2021
Ce vendredi 3 décembre 2021, dans le cadre des Rencontres de l’Avenir*, s’est tenue une table ronde sur les grands enjeux de la structuration d’un système de santé vertueux en partenariat avec B. Braun. Synthèse des échanges et interventions d’experts, entre transformation de la perception de la santé, bénéfices de la prévention et évolutions écoresponsables.
Derrière cette interrogation s’opposent deux visions de la santé. La première, « traditionnelle », se cantonne aux aspects curatifs de la médecine et les accompagne d’objectifs de productivité : le but devient de minimiser les coûts tout en maximisant la rentabilité.
“Cette approche comptable est triplement préjudiciable, pour l’offre, la demande et le marché. Les premières victimes d’une offre « bridée » sont les personnels médicaux, tout particulièrement les infirmiers et infirmières, à la fois mal rémunérés et peu reconnus. Concernant la demande, la notion d’équité chère à la France entraine une quasi-gratuité synonyme de comportements de surconsommation, les patients ne sachant pas combien coûte leur prise en charge. Finalement, le marché se retrouve pris entre deux feux et ne parvient à déterminer ce qui est réellement utile. Résultat : des choix arbitraires, une surproduction et l’entretien de pratiques non vertueuses…”
Il est toutefois possible d’adopter une autre vision et estimer que la santé est avant tout un investissement et qu’elle ne vise pas tant à réparer ce qui a été abimé qu’à prévenir les détériorations futures. « C’est une position sociale et éthique forte, qui ne se limite pas à des considérations économiques, mais impose en revanche de réfléchir en profondeur sur ce que nous attendons de notre système de santé et comment le réorienter dans une direction plus vertueuse et bénéfique à tous, usagers comme soignants. »
Concevoir un système vertueux mène à penser toujours plus la santé comme un capital à préserver, pour gagner en années de vie en bonne santé, nouvel objectif sociétal. « Il est à cet égard important de faire reposer la prévention sur d’autres acteurs que les professionnels du soin, pour promouvoir le capital santé à l’échelle populationnelle et non individuelle », estime le Dr Raphaël Veil, médecin de santé publique, doctorant en économie de la santé. La santé communautaire, l’éducation à la santé et autres dispositifs de sensibilisation pourraient de facto reposer sur le secteur sanitaire et social… pour peu que ses acteurs soient formés et mandatés, ce n’est pas encore le cas.
“Pour restructurer efficacement notre système vers plus de prévention, il faut avant tout renforcer la présence de la santé dans toutes les politiques publiques. La dimension sanitaire doit être prise en compte dans tous les arbitrages locaux comme nationaux, à l’instar de la dimension économique depuis des décennies ou de la dimension environnementale de façon plus récente. Reste à faire évoluer les mentalités pour que cette intégration ne reste pas un vœu pieux et que les personnes en charge tiennent naturellement compte de la santé dans leurs process décisionnaires.”
Si le développement de la prévention primaire est un enjeu phare, les préventions secondaires et tertiaires ne sont pas à négliger pour autant. Inscrite dans les grandes missions des professionnels du soin, elles font partie de la pratique quotidienne, mais n’en demandent pas moins un enrichissement permanent pour apporter des bénéfices maximums aux usagers. « La prévention n’exonère pas l’effort d’accumulation de connaissances, car elle n’est pas la même pour tout le monde. La médecine de précision, en plein essor depuis plusieurs années, doit en effet s’exercer jusque dans les stratégies prophylactiques, qui nécessitent d’être adaptées aux spécificités physiologiques et psychiques de chacun pour une efficacité optimale », explique Jacques Biot, ingénieur, haut fonctionnaire et entrepreneur. Une personnalisation qui repose avant tout sur les données scientifiques, qui participent par leur abondance et leur qualité à perfectionner les outils digitaux qui soutiennent le déploiement de la santé 2.0.
“Nous ne pouvons pas alimenter correctement l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies sans bases de données de qualité. C’est un appel à renforcer les sciences fondamentales et l’épidémiologie, au-delà de la collecte de données patients pertinentes, pour renforcer les outils digitaux et avec eux une prise en charge efficiente et vertueuse, en préventif, mais également en curatif.”
Les comportements vertueux s’exerçant jusque dans le respect environnemental, la question du poids du développement durable dans l’évolution du système de santé Français se pose. S’impose, même, à l’heure où les accords de Paris impliquent une réduction de 80 % des gaz à effet de serre d’ici 2050. « Le Think tank Shift Project a mené une étude évaluant l’impact du secteur de la santé à environ 10 % du total des émissions de carbone en France. Ses acteurs doivent donc impérativement se mobiliser s’ils ne veulent pas représenter la moitié de notre empreinte carbone d’ici 30 ans », relève Dr Raphaël Veil. La réduction des flux physiques, principal levier d’amélioration, peut alors s’envisager selon trois grands axes : agir sur l’amont (la prévention) pour réduire les besoins en aval, aligner la consommation de soins avec les besoins réels de façon à éviter le « gaspillage » (consultations multiples, examens dispensables, sur-prescription…) et décarboner les soins utiles.
La e-santé représente également une option intéressante dans ce contexte d’optimisation écoresponsable, par sa capacité à simplifier la prise en charge et le suivi d’un grand nombre de patients, à faible coût environnemental. « Seul hiatus : le gouvernement hésite à promouvoir le recours aux solutions numériques, de crainte que les usagers n’en abusent. Il préfère pour l’heure étudier ce qui se passe à l’étranger avant de prendre une décision forte. Résultat : nous prenons du retard sur la mise en place des dispositifs, les réglementations et les innovations liées au déploiement de la e-santé », regrette Pierre Bentata.
De l’avis commun, les pouvoirs publics doivent être à l’écoute des remontées terrain, afin d’opérer une transformation du système de santé français tirant profit des expertises de l’ensemble des acteurs : professionnels de santé, industriels, institutions, patients… Les mutuelles ont aussi un rôle à jouer et leur intégration aux réflexions permettra d’anticiper et cadrer une inéluctable privatisation partielle du système, plutôt que de la subir suite à l’obsolescence des dispositifs en place. « Une réflexion organisationnelle collaborative a vocation à se structurer, facilitée par les retours d’expérience tirés de la pandémie de Covid-19, qui permet de comparer les dispositifs, initiatives et réponses pour avancer vers une santé à la fois plus efficiente et plus vertueuse », conclut Jacques Biot.
*Soutenues par la mairie de Saint-Raphaël, les Rencontres de l’Avenir accueillent le grand public chaque année et permettent d’échanger avec d’éminentes personnalités du monde intellectuel, économique et politique autour de l’avenir de la France et du monde.
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