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5 avril 2024
Regards croisés sur le parcours de vie de deux femmes, où l’activité physique garde une place centrale malgré leur maladie.
Béatrice a 65 ans. Sportive, sa vie a basculé il y plus de 5 ans, lors d’une chute de 12 mètres en escalade. Son corps entier a été brisé, épargnant la tête et les bras, elle ne devait plus marcher. A force de persévérance, elle marche de nouveau. Mais les fibres nerveuses au niveau du sacrum ayant été écrasées (Syndrome de la queue de cheval), elle est désormais contrainte de se sonder plusieurs fois par jour.
Françoise, elle, a 78 ans. Après avoir affronté 3 cancers (sein, endomètre et le dernier au niveau du canal anal), on lui a posé une stomie. Sportive depuis plus de 30 ans, elle n’a renoncé à rien.
Béatrice : Je fais de l’aviron. Je marche un peu, même si c’est difficile car mes pieds sont pratiquement paralysés et je manque d’équilibre. J’ai également un tricycle qui me permet de me déplacer à vélo. Vivant au bord d’un lac, je nage beaucoup et je fais des balades en raquettes quand il y a de la neige. Je ne suis pas sans activité comme vous pouvez le voir, mais c’est très difficile de devoir renoncer au ski, à la via ferrata, évidemment à l’escalade, aux randonnées en montagne, à la moto. Entre le sport, le travail, ma vie sociale, je suis obligée de me sonder assez souvent pour avoir l’esprit tranquille et ne pas avoir peur d’un accident.
Françoise : Il faut savoir que dans mon parcours de santé, la pratique sportive a été une injonction : il y a une trentaine d’années, je me suis fracturé 3 lombaires. Les médecins m’ont alors dit que je devais pratiquer du sport tous les jours sous peine de finir en chaise roulante au bout de quelques années.
Finalement ce qui au départ était une contrainte est devenu un plaisir au fil du temps… Aujourd’hui, je pratique 7 à 8 h de sport par semaine : 3 à 4 h de renforcement musculaire. 1h de Pilates, 1h de yoga et 2h de stretching. Je pratiquais de manière intensive avant mes cancers, j’ai repris des choses petit à petit et j’en ai ajouté. C'est une sorte de bouée qui vous permet de tenir la tête hors de l'eau !
Même pendant les périodes de chimio préopératoire, j’étais l’attraction du service car j'avais mon tapis de gym et je faisais ma gym tous les jours.
Béatrice : C’est un ensemble de choses : ma vie est réglée autour de cela, toutes les trois heures, en fonction du lieu où je me trouve ou de l’activité pratiquée. Quand je pars à la journée, il faut prévoir un nombre suffisant de sondes, car certaines fois en cas de stress ou de toilettes sales, ça me bloque, je n’arrive plus à me sonder et je suis obligée de réessayer un peu plus tard. Les vessies neurologiques sont sujettes aux infections et j’accorde beaucoup d’importance à la propreté de l’endroit où je dois réaliser ces sondages. Chaque mois je reçois mon quota de sondes et de matériel d’hygiène, j’essaie toujours d’avoir un peu d’avance afin de ne pas me retrouver sans en cas de retard de livraison ou de rupture de stock.
Françoise : Je ne vais pas mentir, avoir une stomie comporte beaucoup d’inconvénients. Pourtant, c'est très simple : il n'y a pas de soins particuliers à faire. Je nettoie la stomie à l'eau, je sèche et je fixe la poche.
Mais quand j’ai repris le sport, j’avais trois peurs : peur d'abîmer le travail du chirurgien et la stomie. Avoir mal, même si cela peut paraître bizarre, mais j'avais peur de me trouver dans une situation désagréable. Et puis la troisième crainte concernait le dispositif médical en lui-même : serait-il fiable ? N’allait-il pas se détacher pendant mon activité sportive ? Est-ce que cela n’allait pas déborder ?
Finalement, j'ai eu de la chance car lorsque j'ai pu reprendre début 2021, on ne pouvait pas encore fréquenter les salles de sport suite à la Covid. Je suivais des cours en visio, ce qui m’a permis d’expérimenter et affronter mes craintes chez moi.
Une fois que je me suis rendu compte que je n’avais aucun problème, quand le club a réouvert, j'ai pu y aller sereinement, tranquillement.
Béatrice : Aujourd’hui, c’est mon généraliste qui me prescrit les DM, mais pendant longtemps, ça a été le médecin du centre de rééducation où j’étais hospitalisée. C’est un infirmier du centre qui m’a appris comment me servir du matériel. J’ai mis pas mal de temps à admettre que l’élimination des urines ne se ferait plus naturellement. C’était dramatique et ça a été la raison d’une grosse partie des blocages que je rencontrais. J’avais beaucoup d’interrogations et j’aurais bien aimé échanger avec une utilisatrice de ce type de matériel. Du coup, je suis volontaire pour discuter et aider les patients qui, comme moi, doivent franchir le pas.
Françoise : J’ai eu la chance d’être accompagnée par une infirmière stomathérapeute incroyable, Nadège Daumart-Pasquier. Sa présence, son accompagnement ont vraiment été fondamentaux, et ce avant même l'opération. A ce moment-là, j’étais dans une situation de révolte, de refus total. Il ne pouvait rien m’arriver de pire : avoir une stomie définitive, avoir une poche à vie sur le ventre. On en a beaucoup parlé. Elle m'a montré, elle m'a expliqué, de manière un peu brutale parfois, mais elle m'a amenée tout doucement à accepter l'opération. Elle était présente tout de suite après. Elle m'a aidée à regarder la stomie pour la première fois. Et puis, au bout du deuxième jour, sous son contrôle, elle m’a aidée à changer toute seule ma poche.
Ça a été fondamental car je crois que si on n'arrive pas à dépasser ce moment de blocage, de refus par rapport à l'état de son abdomen, c’est fichu. On a eu des rendez-vous très, très réguliers pendant les 18 premiers mois pour adapter le matériel. Je me dis que les personnes qui affrontent ce même type de parcours sans l’aide d’une infirmière spécialisée comme l’est Nadège, ce doit être invivable.
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