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9 juillet 2024
Myriam Teyssié est présidente de l’Union des Associations Françaises de Stomisés. Elle-même stomisée, son parcours atypique et complexe lui a permis de tirer une grande force de l’association, ainsi qu’une vue globale du parcours patient. Elle revient pour nous sur la raison d’être de cette fédération et son rôle essentiel auprès des patients - et des institutions - pour faciliter l’activité physique des personnes stomisées.
L’Union des Associations Françaises de Stomisés a récemment accueilli sa dix-neuvième association membre, renforçant ainsi sa présence et sa représentativité au niveau national. Créée en 2019, la structure a rapidement obtenu le statut d’intérêt général, lui permettant de recevoir des dons et de bénéficier de rescrits fiscaux. En 2023, l’Union a obtenu l’agrément national qui permet désormais aux associations d’avoir des postes de représentants des usagers au sein des établissements de santé. L’Union des Associations Françaises de Stomisés est également invitée à participer à des travaux ministériels et des réunions avec la Haute Autorité de Santé (HAS)[1] par exemple.
L’attitude des personnes nouvellement stomisées face à l’activité physique dépend de plusieurs facteurs : l’accompagnement reçu, la manière dont la stomie a été annoncée et le type de stomie (définitive ou temporaire, digestive ou urinaire). Les réactions varient aussi selon que la stomie est liée à un cancer avec chimiothérapie, radiothérapie et mutilations, ou à une autre cause. Dans ces moments-là, le rôle du personnel soignant est crucial : Certains établissements de soins ont mis en place des programmes de récupération améliorée après chirurgie (RAAC), d’autres proposent des ateliers d’éducation thérapeutique avec activité physique adaptée. Bon nombre de personnes sont éloignés de ces dispositifs. Les associations membres de l’Union interviennent pour rassurer, documenter et sensibiliser les patients à l’importance de l’activité physique adaptée, qui réduit notamment les risques de récidive de cancer. Toutefois, avant de penser à l’activité physique, les personnes doivent d’abord s’adapter à leur nouvelle anatomie et condition physique.
En expliquant tout d’abord que l’activité physique ne signifie pas forcément pratiquer un sport, mais « simplement » remobiliser son corps dès l’hôpital : sortir de son lit, marcher dans le couloir, etc. Il s’agit d’adapter l’activité à la capacité actuelle du patient. Le rôle de l’association est de guider le patient dans ce cheminement, en levant progressivement les obstacles.
Ensuite, l’association répond aux questions pratiques que se pose légitimement la personne stomisée : comment s’habiller, comment s’assurer que l’appareillage tienne bien ? Un appareillage adapté, choisi en concertation avec le soignant, est crucial.
L’accompagnement pair à pair, où une personne stomisée aide un nouveau stomisé, est une force des associations de stomisés. Ce soutien permet de témoigner des progrès possibles et d’encourager la personne stomisée à aller de l’avant. Au retour à la maison, les premières craintes concernent souvent les sorties sans fuite ou sans douleur. L’association aide à lever ces freins, en fonction des besoins individuels de chacun. L’activité physique est alors présentée comme un moyen de se resocialiser, de sortir de chez soi et de ne pas rester isolé.
Enfin, l’Union des Associations Françaises de Stomisés utilise divers outils pédagogiques, dont des supports papier et des sites internet, mais privilégie surtout les rencontres. Par exemple, certaines associations membres organisent des permanences mensuelles dans un lieu convivial, où les gens peuvent se retrouver autour d’un café et participer à des ateliers d’activité physique adaptée.
L’accompagnement des soignants est crucial dès le début du parcours de soin. Cependant, la situation de l’hôpital public n’épargne pas ces services : le manque de temps et les nombreuses tâches des soignants limitent leur capacité à s’investir pleinement. Il est pourtant essentiel de créer un duo soignant-soigné où le patient, au début très dépendant, gagne progressivement en autonomie et en confiance. Les soins particuliers demandés par la stomie (possiblement le passage d’une infirmière à domicile parfois jusqu’à 3 fois par jour) nécessitent du temps et une reconnaissance adéquate des actes. Les soignants doivent avoir le temps et les ressources nécessaires pour offrir un accompagnement de qualité.
Entourer et informer les aidants est essentiel. Malheureusement, ils sont souvent oubliés, l’attention étant centrée sur la personne stomisée. Conjoints âgés ou enfants, ils sont confrontés à la maladie et parfois à la mort. Pourtant, leur rôle est primordial, notamment pour les soins urgents ou la gestion des tâches quotidiennes. Un aidant soutenu rend le patient plus confiant et serein. L’association les soutient par la parole, l’écoute, le partage d’expériences et d’informations pratiques, comme l’aide au dépôt de dossier d’aide à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). N’oublions pas que la question économique est souvent présente. L’association agit comme une « donneuse de pistes », permettant à chacun de choisir la voie la plus adaptée à sa situation.
Le mot « stomie » reste méconnu et tabou, même parmi les professionnels de santé. Les stomathérapeutes, par exemple, ne sont pas suffisamment reconnus. La méconnaissance entraîne un manque de reconnaissance, rendant les personnes stomisées sous-représentées malgré le fait qu’elles soient environ 100 000 en France. Leur handicap, bien qu’invisible aux autres, est très visible pour eux-mêmes. L’association travaille à démocratiser la stomie et à valoriser les professionnels qui les accompagnent. Un des défis majeurs est de mobiliser les pouvoirs publics pour obtenir les ressources nécessaires. L’impact de la stomie est profond, touchant le droit, le social, le psychologique et le professionnel. Environ 50 % des couples se séparent après une stomie, et ce chiffre monte à 70 % lorsque l’enfant est concerné, la mère restant souvent seule. L’association agit pour informer et sensibiliser, mais l’État doit aussi jouer un rôle clé en offrant un soutien adéquat. Le manque de temps et de ressources pour les soignants est un problème récurrent. Une meilleure reconnaissance et valorisation des soins spécifiques à la stomie sont nécessaires.
Le rôle des fabricants de matériel est également crucial pour assurer une bonne adaptation et un soutien efficace des personnes dans leur mobilité. En France, le système de sécurité sociale permet une bonne prise en charge des appareillages, offrant une large gamme de produits adaptés aux différentes activités, y compris à la vie de couple. Cependant, les fabricants sont confrontés à de nombreuses contraintes, notamment réglementaires, qui freinent l’innovation. Par exemple, la mise en conformité avec le nouveau règlement européen a entraîné l’arrêt de certaines gammes de produits. Néanmoins, les fabricants continuent d’innover et de répondre aux besoins spécifiques des stomisés, comme l’appareillage pour les activités aquatiques. Il est essentiel de continuer à informer et sensibiliser tous les acteurs concernés pour améliorer la qualité de vie des personnes stomisées.
[1] L’Union des Associations Françaises de Stomisés organisera son premier congrès national le 13 juin 2025 à Grenoble
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